(Du plaisir de se frotter à des jeunes femmes dénudées)
Castel-les-Marches – Circa 1028 dN, Mois du Repos
— Peut être qu'un jour nous pourrons vivre heureuses dans un pays où les femmes seront les égales des hommes, peut-être qu’un jour… Mais ce pays n'existe pas encore et notre seul moyen de survie reste de nous battre chaque jour, de détruire tous les édifices patriarcaux élevés pour nous asservir, de piller et de tuer tous ceux qui osent croiser notre chemin et nos regards. Nous sommes une race guerrière, et la seule façon de mourir pour une vraie Sekeker est d'emporter le plus d'ennemis avec elle dans la mort. Lorsque que moi-même j'irai rejoindre mes soeurs au royaume de Mort, ce sera avec ce Sabre ensanglanté à la main et le corps entaillé de mille blessures, mon âme fidèle à notre cause. Me gardant bien du Néant. Je compte faire payer aux mâles tous les sévices qu'ils font subir aux femmes, celles-là mêmes qu'ils disent aimer, pour cette Pestilence l'émasculation n'est que justice. Quant à moi, le seul amour que j'éprouve, celui-là même qu’ils ne sauront m’imposer, est ma passion immodérée pour leur sang frais, leurs cris d’agonie, leurs supplications quand ma lame les achève, et surtout mon amitié sans faille pour vous mes soeurs de guerre qui hurlez avec moi les chants de Guerre de nos matriarches. Oui, nous sommes convaincues que la nature humaine préfère la paix à la guerre et à la belligérance, mais il est aussi temps de s’unir et de venger nos soeurs violées, tuées les nuits dernières. Je dis non aux hommes. Nous disons non ! Ensemble mes soeurs, d’une même voix, d’une même lame, faisons trembler les régions d’Herblay. Soyons dignes de notre nom, soyons les seules survivantes !
Lorsque qu'Arya, la chienne sacrée sang, finit de s'exprimer toutes les tribus jusqu’à lors désunies de la région du Pelant mêlèrent leurs cris de rage à la colère du ciel.
— Demain nous lèverons le camps vers la rivière Wilkes et Castel les Milles Marches. Nous sommes mille et la Famine ronge notre loi du Talion !
« Mille », avait hurlé cette chienne, fût-elle sacrée sang ; mais savait-elle vraiment compter ?
Asbjörn, le hors-venu, resté seul des bons souvenirs du Néant, et son camarade d’infortune Luridius, le savant métallurgiste aux talents de traqueur nouvellement découverts, en comptabilisaient à eux deux le triple. Pas moins. Sans considérer les arrières-rangs.
Ils ne s’attardèrent pas à vérifier, leur vigilance redoutant le pire, et se laissèrent dégringoler le long de la colline. Une enfant moins engagée, moins obnubilée que ses soeurs par le discours de leur meneuse, les repéra.
L’alerte fut criée.
Leur salut immédiat ne dépendant que d’une soudaine fuite, à bride abattue, écrasés sur leurs montures, la peur au ventre, priant leurs alter ego de métal, galopant sous l’orée verte du bois, les visages fouettés par les branches aux feuillages frissonnants, eux aussi, Asbjörn et Luridius avalaient le demi polac les séparant de la ville.
Aucune flèche ne les atteignit, par chance ; l’une de leurs dernières.
Le ciel gronda quatre fois, annonciateur d’une pluie – de sang – certaine dans les heures à venir. Nul ne pourrait y échapper, tous essuieraient les déferlements d’une inconsolable affliction.
Asbjörn et Luridius cavalaient dans un monde qui fondait sur eux avec l’irréversibilité du fatum.
Le vent tournait.
« Mille », au bas mot, seraient les cadavres à dénombrer au pied des murailles et jonchant les rues de Castel-les-Marches au lendemain de cette bataille ; massacre conviendrait-il mieux d’envisager.
Par chance, la ville ne comptait pas mille habitants.