Chapitre 17. – Un dîner presque parfait

« Ce fut une fierté d’avoir fait partie d’eux, de cette famille pendant toutes ces années, d’avoir pu partager tant et toutes ces choses avec eux, et d’avoir vécu, grandi, d'avoir éprouvé la renaissance à leurs côtés. Je vous promets d’emmener avec moi le meilleur de chacun, ils me serviront de modèle partout et à chaque fois. Je tombe genoux à terre et embrasse le bitume sale de mes lèvres closes, jurant en silence une loyauté éternelle à votre pérennité. Un dévot de La Providence ; ce n’est pas ce que je voulais, mais je suivrai maintenant cette fatalité avec dignité. Jusqu’à la fin. Quand il ne restera que poussière. Peut-être parce que je considère chaque épreuve comme une leçon, ou alors parce que je n’ai plus aucune colère au coeur de ma volonté. A moins que j’ai fini par ne plus comprendre. Je sais. La réciprocité entre leurs actions et le libre arbitre n’avait plus lieu d’être. Il y a des choses, des faits, que je ne souhaitais pas voir se produire, pas voir exister, surtout pas voir tout court, mais je dois désormais en tenir compte, les accepter. Divine Ville, vous, j’ai fini par vous remercier de votre témoignage, sans le moindre commentaire. Mais pour les Autres, qui serais-je ? »

Je me souviens de chacun de ses mots, aussi confus m'aient-ils paru à cet instant. Nous, simples citoyens de Providence, capitale du plus petit État des États-Unis, le Petit Rhody, n'avons jamais vraiment su quel pronom personnel utiliser, pas plus que sa catégorie grammaticale ; était-IL vraiment le seul tueur ? Même ce qualificatif n’explique pas tout.
D'ailleurs, les autorités tournèrent en dérision la conclusion de cette histoire : « crimes ayant pour responsables une ou plusieurs personnes inconnues ». Quant aux journaux, ils titrèrent avec cynisme : « IL n’était pas notre Providence ». Tous les autres y allèrent de leurs versions, jusqu’au silence. Tous avaient tort, surabondant de confiance dans leur étroitesse de l’ensemble… alors que toute cette histoire n’était qu’un chassé-croisé pour et autour de nos destinées, nos fautes, notre Histoire, l'Espoir… Et il ne reste que poussière.
Sinon, pourquoi auraient-ils tous décidé de taire sa profession de foi, celle retrouvée sur sa dernière victime : Moi !

[Mary Olivier a dit : « Quelqu'un que j'ai aimé m’offrit un jour une boîte emplie d'obscurité. Il me fallut des années pour comprendre que ça aussi, c'était un cadeau. »]
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CHAPITRE 17.

(Un dîner presque parfait)
Providence – 53 jours avant la Fracture, 18h05

James n’avait rien d’un nouveau venu dans la ville. Il l’avait quittée le lendemain de ses 21 ans, avec ses résultats de sélection pour Langley bien au chaud dans la poche droite de sa veste de sport, et demain soir il en fêterait 35. Un retour au bercail anticipé. Une retraite imposée. Sa ville : « The Divine City », c'était ainsi qu'elle se baptisait parmi une demi-douzaine d'autres noms hérités au fil des années et des municipalités. Elle n'en avait usurpé aucun, et, il fallait bien le reconnaître, n'avait jamais si bien porté celui-ci que depuis l’élection d’un ange à la tête de sa mairie… Angel Taveras (041) « un sympathique emplumé, un Don Quichotte en armure croisée à trois boutons surmontée d'un faciès de canard ; sûrement les derniers réflexes d'une bonne âme qui se fera becter en magret par l'appétit pantagruélique de la pieuvre ! », Nigel, l’ami d’enfance de James, n’avait pas son pareil pour dépeindre les personnages et les histoires avec style, et lui offrir par là même un rattrapage d’actualité – présentement politique – sur la température de sa ville.
Comme dans ses souvenirs, Nigel partait loin, trop loin, dans ses envolées métaphoriques, et James n’était pas bien certain de ne pas y perdre tout sens, mais Nigel avait pour lui que le Maire Taveras, sur toutes ses affiches de campagne en vue des prochaines élections, et sa possible réélection, arborait bien une moue de canard ! Ou de poule.
Quant à savoir si cette information distillée lors du dernier apéritif était d’une nature décisive pour son propre avenir, James en doutait sérieusement. Tout au plus elle le faisait sourire. Ce qui, au regard de ses derniers mois, était déjà gage d’une belle amélioration pour James.
James August Henry Orne avait-il un avenir, à Providence ?
Loin d’être un paradis, Providence avait toujours été une sorte de Terre promise, un endroit où tout était possible ; même et surtout de rêver à un avenir meilleur pour un enfant qui venait de perdre ses parents dans un soi-disant accident de la route, comme James. Alors un aficionado du duckface à la mairie ?… pourquoi pas. Et selon les dires de sa Tante Felicity, le Maire Taveras avait déjà bien aidé à la modernisation et l'amélioration de la qualité de vie des concitoyens depuis sa nomination, envers et contre tout, même ses opposants les plus radicaux : Les Irlandais ! – Qui s’y connaissaient en gavage de volatiles municipaux, disait-on (au club de bridge de Tante Felicity), ou à défaut, de plombs dans l’aile du côté des docks, où nécessairement il ne faisait pas bon trainer la nuit…
De toute façon, James n’avait pas pour projet de s’intéresser ou se mêler à la politique de la ville (et pourquoi tout son entourage semblait vouloir penser le contraire ; avoir travaillé ces quinze dernières années pour Washington sous-entendait-il forcément être qualifié pour ?… assurément, James aurait dû plus leur parler de ses fonctions, de ses anciennes fonctions), pas plus que celui de devenir docker à la nuit tombée (même si là, c’était déjà plus dans ses cordes). James n’avait pas non plus vraiment de projets.
Depuis son retour, James errait jour après jour dans ses quartiers du palais de son enfance. Il s’y perdait aussi. Laissant ses souvenirs se superposer avec toute la modernité des dix années passées. Pour James Providence était restée la même, et un peu mieux encore. Tout lui paraissait aussi et plus plaisant encore. Relais d'information et messages des utilisateurs des réseaux sociaux diffusés sur les panneaux d'affichage de la ville ; rues et commerces fleuris et florissants dans tout le centre-ville, inauguration en fanfare et pom-pom girls d'un nouveau cinéma au coeur de l'immense complexe commercial qu'était le Providence Place Mall ; le Waterplace Park et Riverwalk, symboles de la renaissance de la ville et surtout le parc de ses premiers émois, où il venait de passer les dernières heures à espérer…
Était-ce là cette nouvelle vie à laquelle James aspirait ? Une vie de tranquillité, à fleur de peau, et d'envies. Où l'une de ses seules préoccupations serait de s'aviser à choisir la bonne couleurs et les bons mots pour les offrir à Marilyn (aujourd'hui c'était la femme qui souriait à l’enfant de 7 ans qu'il restait dans le souvenir de leur première rencontre) ?… S’il lui faudrait prendre le bus 11-45 ou le 7AX pour se rendre dans le centre-ville ?… À moins que le métro ne fût le plus rapide ?… Boston à une petite heure de voiture, New York à quelques coups d'ailes ou de rail… James acceptait l'idée d'avoir à tout redécouvrir, avec légèreté, d'être déphasé. Pourquoi pas après tout…
Le COS Erlette lui avait peut-être rendu service en le congédiant de la CIA, et toute sa section avec, comme de vulgaires importuns. Pour son sommeil les faits le confirmaient ; en un mois, Providence l’avait libéré d'années de diète pathologique : James rêvait ! Ses cauchemars – de monstres d’inhumanité, comme seule l’unité biogénétique du directorat des armes de destruction massive savait en fournir – étaient à considérer comme affaires classées. James ne faisait désormais plus que des rêves. Et il comptait bien poursuivre ainsi pour le reste de sa vie… Juste des rêves ! Providence, « The Divine City ».
Il lui faudrait en discuter ce soir avec Nigel et – justement – Marilyn ; ils venaient le chercher pour dîner. Depuis son retour, pas un soir ne lui avait pas été consacré ; tant de temps à rattraper…
James en rêvait.
À présent il pouvait s’alléger, il faisait bon dehors. Au loin, la rumeur de la circulation et le bruit d’un avion sur le point d’atterrir. Le spectacle de ses pensées insouciantes continua jusqu’à clignoter de rouge et bleu. – Que faisait cette voiture de police devant la maison de son oncle et sa tante ?

Histoire_Les Chroniques de Providence – Tales of The Divine City-Je suis Providence_Chap.17_001.jpg
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Les gyrophares psychédéliques tirèrent James de ses réflexions éveillées. Une ombre passa sur son visage lorsque l’ancien exécutif de la CIA constata que le véhicule de police stationnait devant la maison familiale, celle de son oncle et de sa tante.

Il se rasséréna car ce n'était certainement pas grand-chose, un simple questionnaire de voisinage ou une enquête de routine.

James pressa le pas et se dirigea vers la maison, sans se précipiter. En même temps, ses vieilles habitudes reprirent le dessus, il repéra le numéro de la voiture de patrouille et vérifia s’il remarquait la présence d'agents de police en faction devant la maison. James s'engagea sur l'allée qui menait au perron, attentif au moindre signe d'agitation ou de mouvement, on n'oubliait pas « comme ça » 10 années passées à la CIA !

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Les vieilles habitudes avaient la vie dure. L'air de rien, juste d'un passant, en quelques secondes d'attention James releva tous les petits détails qui vinrent peser dans la balance de son inquiétude : gyrophares en marche, voiture verrouillée, tâche incrustée sur la banquette arrière et d'une origine qu’il ne suspectait que trop bien (était-ce un long faux ongle rouge de femme coincé dans l'une des grilles de protection des vitres ?) ; aucun agent en faction dans la rue. Pourtant, ce frisson si caractéristique, et habituel, qui viendrait à remonter le long de son échine ne sembla pas se rappeler à lui. Tant mieux, après tout. Juste de vieilles et mauvaises habitudes, elles avaient la vie dure. Comme ses nerfs.
James s’avança sur le perron les coeur et esprit plus légers, sereins. La porte devança sa main, et s'ouvrit brusquement sur une silhouette massive (045), plus que les 165 livres de James, à l'air pas franchement amical. – Se cachait-il pour que James ne l'eût pas vu quelques instants plus tôt derrière le verre vitrail de la porte d'entrée ?
Alors qu’il lâchait la porte pour croiser ses bras, le blouson de cuir de l'inconnu s'ouvrit. Moins de la fraction de seconde nécessaire à James pour remarquer que le holster que portait l’inconnu à la ceinture était vide de son arme. Moins de la fraction de seconde nécessaire avant que ses vieilles habitudes ne vinssent lui mener la vie dure ; sans aucune certitude de gagner le duel ; bouquet de fleurs blanches en main, James se maintint là.
— Alors c'est toi mon garçon ?! et ce n'était pas une question. James –– August –– Henry –– Orne ! chaque mention de l’état civil de James fut articulée avec la force d'un coup de poing –– ponctuation –– un court silence, que James n’aima pas.
Cet inconnu n'avait pas seulement la stature patibulaire, mais également la mine.
— Vous m'aviez pas dit qu'il était si bel homme, et l'Actors Studio éclata d'un grand rire.
Derrière lui les visages de Tante Felicity et Oncle Bob apparurent dans le couloir. Puis celui de Marilyn, elle semblait désolée.
— Tu es un idiot James, se renfrogna Marilyn en assénant un coup de poing à tuer un chaton à l’homonyme et Actors Studio. Hémiplégique le chaton.
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Une fraction de seconde les réflexes de James faillirent prendre le dessus, un conditionnement hérité de son ancienne vie à la CIA. Heureusement, quelque chose clochait, puis le coup de poing de Marylin lui arracha un sourire amusé. Une pensée fulgurante s’imposa à lui « La réalité est là mon gars ! ». Son ancienne vie était révolue, il fallait avancer maintenant, s'habituer à ne plus rencontrer les pires ordures des états-unis, éventuellement ne plus faire les horribles cauchemars qui hataient ses nuits depuis plusieurs années... et fréquenter des personnes normales : sa famille, son ami Nigel… et son amie frappeuse !
De prime abord, sans se préoccuper de son homonyme qui se tenait dans l'encadrement de la porte, James fit un large sourire et un signe à Marylin, Felicity et Bob. Puis il s'approcha un peu plus de James – l’autre – avec un air circonspect, le détaillant de la tête aux pieds. Indiquant d'un geste le véhicule garé dans la rue il ajouta :
— Un véhicule de police gyrophares allumé, garé devant ma maison, a toujours éveillé de mauvais souvenirs en moi. Je peux vous dire que cette fois-ci c'est encore réussi ! James lui tendit la main.
— Ag... James Orne, mais ça vous le savez déjà ! Et vous ?

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Une poignée de main virile. Détestable. De celles qui jaugeaient l'autre et sentaient la testostérone dans un besoin de s'affirmer.
— Detective James Cosgrave, répondit-il du tac au tac, comme s'il avait depuis longtemps répété cette scène devant un miroir. Le petit ami de Marylin…
Le ton fut donné.
— James ! le petit ami se retourna dans la confusion. Tante Felicity de son grand sourire complice adoucit cet instant mâle. Comme c'est adorable à toi mon neveu de m'avoir apporté des fleurs. Quelle magnifique couleur. Donne-les-moi vite que je les mette immédiatement dans un vase.
Et Tante Felicity se glissa pour récupérer le bouquet toujours en main de James.
— Quant à vous, Detective, vous devriez m'éteindre ces guirlandes de Noël sur votre voiture avant qu'un voisin ne vienne à se faire de drôles d'idées, dit-elle de sa voix douce, mais qui ne laissait nullement place à la moindre contestation.
James ne le savait que trop bien. L’autre également.
— Oui Tante Felicity, vous avez raison.
— Naturellement, sourit-elle comme un ange. Diabolique l'ange.
Et James – le petit ami – s'exécuta comme si son capitaine en personne venait de lui en intimer l'ordre. Créant, à son passage, un petit moment de flottement sur le perron devenu tout à coup trop étroit pour ses épaules, son ego, et James – pas le petit ami.
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Présent au milieu du passage, James regardait le detective commencer à se mouvoir vers sa voiture mais ne bougea pas. Il était grand, balèze, et il l'agaçait. Puis, lançant un clin d’œil à son attention, James s'adressa à Marilyn avec une intonation joyeuse dans la voix.
— Un detective ?! Et amoureux des arts j'imagine ! Tu as beaucoup de chance.
James se retourna puis commença à se diriger lentement vers le véhicule de police. Regardant avec désinvolture dans la direction de son amie, il ajouta :
— J'accompagne ton petit ami jusqu'à la voiture Marylin. On ne sait jamais si un loubard l'attaque, il aura peut-être besoin de mon aide !
Il s'arrêta, se retournant vers Cosgrave avec un sourire en coin, détendu mais prêt à toute éventualité.

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La petite vie dans la maison reprit en arrière-plan. Seuls autour de la voiture de police, une conversation entre hommes commença.
— Alors la CIA, ça ne te manque pas trop ? lança sans animosité aucune l’homonyme. Tu étais une sacrée pointure il paraît.
Les gyrophares éteints, le Detective Cosgrave en profita pour s'allumer une cigarette tout en proposant le paquet dans la continuité.
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James resta dubitatif devant ce changement d'attitude. Il écouta Cosgrave parler avec un nouvel intérêt mais il était néanmoins surpris par le changement d’attitude de son nouveau « pote ». James se dit qu’après tout, l’inspecteur avait dû vouloir faire une pauvre blague pourrie. Et puis il sortait avec Marylin, il devait forcément être un peu spécial.
— Non Merci James, je ne fume pas. Cela me fait bizarre que nous ayons le même prénom ! Pour répondre à votre question, non ça ne me manque pas mais cela prendra du temps avant que je retrouve un mode de vie normal. Et pour la pointure, disons que j'ai fait mon boulot du mieux que j'ai pu, il y a beaucoup d'autres personnes bien meilleures que moi là-bas.

James marqua une pause et s'accouda à la voiture en attendant que son homonyme – la comparaison s’arrêtait au prénom – parle à nouveau.

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— Okay. Okay, chiqua-t-il.
James avait vu juste : cette cigarette n’était qu’un de ces signes d’acceptation de groupe, un test, comme ceux du collège ou de certaines tribus – principalement patriarcales.
Naturellement, pour l’autre, James n'avait pas décliné instinctivement au profit de sa santé, mais au détriment du totem. James avait échoué au test du Detective Cosgrave.
— Tu comptes rester longtemps ? toujours aucune animosité dans sa voix. Dans les parages je veux dire…
Là, par contre…
Sûrement la faute d’une déformation professionnelle – celle des deux James – mais cette question, comme toute cette conversation improvisée, prenait de plus en plus la forme d’un interrogatoire de flic.
Le Detective Cosgrave derrière son jeu d'Actors Studio n’était pas le gentil flic. Tout au plus, il jouait au gentil flic.
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21 mars 2015, 02:09

Au regard de Cosgrave, l’ex homme de la CIA comprit que cette entrevue était une sorte d'évaluation mutuelle, de prise de position. De toute façon, il ne l'avait jamais envisagée autrement que sous cet angle. Pourtant James se questionnait. Mais qu'est-ce que Marylin foutait avec ce mec plein de testostérone ? C’était un plan cul ou quoi ? Il fallait que James replace les choses dans leur juste contexte : ils ne faisaient pas partie de la même meute.
— Je ne fume pas parce que je ne veux pas crever d'un cancer du poumon dans 10 ans, James. Et puis quand tu planques la nuit, on ne voit que ça. Je connaissais un mec de l'Agence qui s'est fait égorger à cause de sa clope. James ponctua sa phrase d’un grand sourire à Cosgrave.
— Et pour ta question, oui, je compte m'installer ici. Je cherche du « taff » dans le coin mais je ne suis pas encore fixé, et j'ai un peu de temps devant moi.
James fit une pause dans sa phrase, regardant rougeoyer l'extrémité de la cigarette accrochée aux lèvres du detective.
— Et toi ? Tu comptes rester longtemps ? Je veux dire, avec Marylin, bien sûr !

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Réaction recherchée obtenue. Sa veine temporale se contracta, un peu trop.
Une rupture d’anévrisme serait tout de même malvenue, d’autant plus avec de prime abord un si bon programme (qu’avait prévu Nigel pour la veille de son anniversaire, et Marilyn ?), d’autant que le Detective Cosgrave ne manquerait pas de lui en tenir rigueur.
— Sale con ! Les hostilités furent ouvertes.
Même si ce n’était pas si gratuit que ça, et que dans le fond James avait conscience d’être sûrement un con, cela n’en restait tout de même pas très gentil.
De prime abord, un si bon programme…
— Ecoute, tu veux la jouer franco okay, ça me va. De toute façon j'aime pas tourner autour du pot.
Sa clope n’était plus. Jetée sans ménagement sitôt ses premières bouffées consumées. Elle chut sur le bord du trottoir, en équilibre, hésitant à se laisser mourir dans le caniveau ou à rester là. Son existence n’avait plus aucun sens.
Tout au plus un souvenir dans l'haleine du détective lors de ses aboiements.
— Marilyn c'est ma femme. Okay. Le coup du BFF demi-frère prodigue, pas si frère que ça, plus Best Fucking Friend que Best Friend Forever, qui revient à la maison la bouche en cul de poule de coeur et des fleurs à la main ça ne marche pas avec moi. Okay !
Ce mec était un chien. Il savait néanmoins aboyer sans rameuter tout le quartier.
— Tu veux t'installer. Okay ! Par contre, je te préviens tu n'es plus à la CIA, tu n'es plus un putain de génie, plus dans ton unité de Mengele en puissance, et tu es même complètement sur la touche. Ouaip, même ici dans cette petite ville on sait fouiller et lire entre les lignes d'un dossier. Okay.
Ça, c'était fait.
— Toi et moi on deviendra pas potes. Tu dois même pas être du genre à aimer le football. Mais ça serait mieux que l'on s'entende pour le bien de notre famille. Tu comprends ? Alors pour ça oublie pas un truc James ! Marilyn c'est mon petit pain d'épices et je suis le seul à croquer dedans. Et si tu …
Il n’eut pas le temps de finir, son blouson cracha une sonnerie de téléphone par défaut. Imitation cabine téléphonique.
Qui utilisait encore des cabines téléphoniques de nos jours ?
Qui appelait sa copine « petit pain d’épices » ?
Au moins pensa James, il lui épargnait ses goûts musicaux en sonnerie qu’il ne douta pas être à l’image de son cliché tout entier. Cliché qui avait tout de même réussi à obtenir une copie de son dossier, et y lire entre les lignes – mais quelle version ?
L’air de rien, d’un doigt levé vers le ciel, le Detective Cosgrave mit en pause James, cette conversation avec, pour décrocher avec la mine sévère :
— Detective James Orn … Cosgrave, se reprit-il aussitôt. Detective James Cosgrave à l'appareil.
Finalement, ce détective n’avait peut-être pas autant de confiance qu’il voulait bien mordre.
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21 mars 2015, 02:09

En réponse au gonflement de sa veine temporale, le muscle masticateur d’Orne se contracta une fraction de seconde, mais ce tic se transforma rapidement en un petit sourire qui découvrit très légèrement ses incisives. Pas de réaction à l'insulte, elle sembla glisser sur l’ancien GMen. Pourtant, intérieurement, des questions assaillaient James, il trouvait ce mec insipide, il s’étonnait qu’en plus il soit policier, un detective.
— Faut te calmer James, tu es sur la corde raide ! Je te laisse à ton taff, détective.
James regagna la maison en laissant le « mâle » Cosgrave parler boulot au téléphone. Pourtant, les habitudes, ces sales habitudes étaient là, toujours enracinées au plus profond de lui. Il ne marcha pas aussi vite qu’il le pouvait, ses oreilles traînaient, aux aguets, pour saisir quelques bribes de la conversation de Cosgrave.
James se questionnait. Que lui arrivait-il ? Était-ce un rêve ? Pourquoi Marylin était chez ses parents ? C'était le monde à l'envers ! Comme s’il avait pris un truc pas frais.

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21 mars 2015, 02:09

Aucune réaction. Mais le détective l’avait-il seulement entendu, bien trop pris dans sa conversation téléphonique dont il n’était que l’oreille, disciplinée.
La situation devenait gênante. L’absence de certitude pour James de savoir si sa réflexion avait porté ses fruits, et plus encore si son cerveau (forcément de la taille d’une cacahuète : la science était formelle sur les rapports primate/testostérone/capacités cognitives) avait été en mesure de retenir l’essentiel de son propos et le conseil qui s’y cachait, commença à lui peser lourdement.
— Très bien, Sarge, acquiesça le détective. Je pars immédiatement, vais cueillir ce salopard directement à table.
Grâce à l'intervention presque divine de son sergent James envisageait enfin la fin de ce calvaire, quand il remarqua Nigel remontant la rue en marmonnant tout seul. Il avait toujours eu cette vieille manie.
— Oui … pour le cuisiner c'est ça ! ajouta le détective. Je vous tiens au courant, Sarge.
La formulation ne pouvait pas être un simple jeu de mot. Affligeant de cliché.
— James ! héla l’homonyme, au point de sortir de ses pensées Nigel à une vingtaine de pas de là.
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21 mars 2015, 02:10

James se retourna vers lui avec un air agacé sur le visage, la tête légèrement baissée, les yeux dirigé droit vers ce qui servait de tête à la masse de muscles dopée à la testostérone qui s'adressait à lui, James Cosgrave, inspecteur de son état. James entendit Nigel le héler, il se tourna légèrement vers lui pour lui faire un rapide signe de la main. En même temps, il ne put s’empêcher de se dire que Cosgrave allait surement lui sortir un parfait « on en reparlera toi et moi, là le boulot m'attend ». Ce mec était un cliché, il se réjouissait de cuisiner un gars !
Reprenant une position frontale vis-à-vis de Cosgrave, James lui dit d’un ton ironique :
— Quoi James ? Tu ne crois pas que t'en a déjà assez dit pour ce soir ? Ou alors tu as besoin d'aide pour ton enquête ? Je suis libre si vous cherchez un consultant.
James avait appuyé sur les deux derniers mots en détachant bien les syllabes. Alors que du coin de l’œil il voyait Nigel se rapprocher, James resta tourné vers Cosgrave. Il ne l’aimait pas ce Cosgrave, il pouvait certainement être sympa à ses moments mais il ne l’aimait pas et il ne l'apprécierait jamais.

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21 mars 2015, 02:10

— On en reparlera n'est-ce pas ? Enfin, pas ce soir car là je dois filer arrêter un tueur. On est pas tous à la retraite hein …
Cela aurait presque pu passer pour une plaisanterie entre deux plus ou moins flics. Si son regard ne puait pas le défi, comme toute son attitude.
— Tu m'excuseras auprès de Marylin et Tante Felicity, ajouta-t-il.
Nigel finit par les rejoindre, même en traînant des pieds plus ou moins volontairement il n’avait pas pu faire mieux.
— James. James, salua-t-il non sans un petit sourire de malice.
— Nigel, lui retourna James, le détective, tu arrives comme toujours pile au bon moment.
Cosgrave fouilla dans son blouson de cuir et en sortit une poignée de billets froissés. Il lui tendit un Ulysses S. Grant, non sans lui avoir fait faire une petite session d'origami au préalable pour lui redonner une apparence et valeur normale.
Curieux, dans son cliché James l’aurait imaginé ordonnant parfaitement ses billets, puis les fixant avec une pince dans la grande tradition des flics à testostérone.
— Comme la mort. La mort et les taxes, ironisa Nigel en attrapant le billet. C'est toujours un plaisir de faire affaire avec vous Detective Cosgrave.
— N'en rajoute pas, Nigel. Tu m'as encore arnaqué je suis sûr !
— À n'en pas douter. À n'en pas douter.
Sa portière claqua. Il fallut à James et Nigel se reculer de quelques pas pour éviter la manoeuvre aussi élégante que ses manières.
Le Detective James Cosgrave démarra tous sirènes et gyrophares hurlants.
— Alors, James, sympathique le mec de Marilyn, n'est-ce pas ? commenta Nigel.
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James A. H. Orne
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21 mars 2015, 02:10

James Orne avait regardé Cosgrave débiter ses insipides boniments. Il avait remué la tête en signe de dénégation, avec un léger sourire, quand l’inspecteur lui avait balancé qu’ils en reparleraient. Il lui avait rétorqué qu’il l'excuserait auprès de sa famille s’il n'oubliait pas de le faire avant d’être entré dans la maison. James avait ponctué sa phrase d'un clin d'œil à l’attention du detective, tout en sachant qu’ils étaient trop différents pour rire des mêmes choses.
Une réflexion intime arracha pourtant un sourire à James, le seul point commun entre lui et Cosgrave, c’était Marylin !
Ce sourire s'élargit quand Nigel, maintenant tout proche, s'adressa à l'inspecteur. Il le laissa régler ses petites affaires en observant Cosgrave. Après que Cosgrave eut quitté les lieux toutes sirènes hurlantes, James sourit à Nigel et le serra dans ses bras affectueusement.
— Un vrai gentleman, bien éduqué, sympathique, intelligent et porté sur l'art. Un Mec pour Marylin quoi... il éclata de rire dans la rue.
— Mais qu'est-ce qu'elle fout avec lui ? Tu le sais toi ?

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— Les femmes… répondit Nigel l'air songeur. Je maîtrise mieux la poésie des femmes que les femmes elles-mêmes.
Oncle Bob était sur le perron, restait à définir depuis combien de temps.
— Alors Messieurs, dit-il enjoué. On sert l’apéritif ou vous ressortez immédiatement pour le prendre en ville ?
Marilyn se tenait derrière lui dans le couloir, comme finalement tout le monde. Là encore restait à définir depuis combien de temps, et s’ils avaient fait autre chose de toute cette sympathique première rencontre et l'échange tout aussi cordial entre James et son nouveau « BFF » qu’être derrière les rideaux.
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James sourit largement à Nigel :
— Tu n'as rien perdu de ton humour Nigel ! dis-l'ex GMan en lui assénant une tape sur le bras. Puis le prenant par les épaules, James l'accompagna vers la maison de l'oncle Bob et de tante Felicity, tel un duo comique, tout sourire.
— Bien sûr oncle Bob, nous prendrons l'apéritif avec vous ! La voix de James était rieuse, quoiqu'un peu teintée d'agacement.

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— Voilà une bonne nouvelle, répondit Oncle Bob. J’ai une liqueur de prune japonaise à vous faire goûter.
Une certitude tomba pour James : ce soir personne ne prendrait la voiture pour se rendre en ville.
Dans la maison une succession de moments de vie, de sourires, d'anecdotes s'échangèrent alors les verres n’eurent pas le temps de savoir s'ils étaient à moitié pleins ou vides : ils furent conviviaux !
Il fallut attendre un passage dans la cuisine, en vue de recharger les munitions de pistaches et bretzels patriotiques, pour que James se fasse coincer par Marilyn, entre le four et l’évier.
— James, écoute pour tout à l'heure… Je suis désolée. Il peut être sacrément con parfois et… enfin je crois que tu t'en es rendu compte.
Le malaise et la gêne se lisaient sur son visage.
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James sourit à Marylin, d'une manière que seuls les amis prodiguent, une sorte de mélange de compréhension, d'agacement, de compassion et de moquerie, délivré dans un espèce de sourire à mi-chemin entre le rire franc et le rictus.
— Lyn, tu nous a toujours surpris, étonnés, enchantés et tu es ma meilleure amie. Mais franchement, avec ce James, tu m'as vraiment décontenancé ! Ce soir il devait être dans un jour particulièrement mauvais parce qu'il a été très con, effectivement ! J'ai déjà connu mieux comme premier rendez-vous. Le "detective" Cosgrave pense que je veux sortir avec toi et il fait un gros complexe vis à vis de mon ancien boulot. Moi qui cherche à oublier, je pressens que ça ne va pas être simple !
James regarda Marylin, légèrement gêné d'avoir parlé aussi directement du petit ami de Marylin. Il posa sa main sur l'épaule de son amie.
— Allez ma vieille amie, raconte-moi comment vous vous êtes retrouvés ensemble !
En même temps que les mots sortaient de sa bouche, James pensa que la conversation risquait d'être encore plus compliquée que prévu si, en plus du constat de base sur la connerie de Cosgrave, Marylin culpabilisait d'être avec ce mec.

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— Je m’en doutais, répondit-elle. Je suis désolée.
Et elle l’était. Tellement qu’elle en avait perdu son sourire naturel.
— Comment je l’ai rencontré n’est pas si important. Disons juste que j’ai eu des ennuis avec mon salon, qu’il est flic, puis après les choses se sont faites enfin tu vois…
James « voyait » parfaitement. Le filigrane du cul que seul un ami pouvait apposer sans aucun jugement.
— Je ne vais pas t’ennuyer avec toute notre histoire de toute façon. Et, puis ça sera bientôt fini, ajouta-t-elle, d’un air mi-blasé mi-incrédule.
Marilyn descendit d’une traite le verre de vin qu’elle s’était resservi au milieu de ce conciliabule de cuisine.
— On y retourne, James ?
La phrase sonna mal pour James. Sûrement du fait qu’ils portaient, James et lui ou lui et James, le même prénom.
James voulut croire à une mauvaise interprétation.
— Je veux dire dans le salon, se reprit-elle. Avant que Nigel ne commence à sortir ses carnets de slam.
Son sourire revint. Il manquait de justesse. Les vieilles habitudes ont la vie dure.
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James pensa que cette conversation touchait Marylin plus que prévu. C'était Incroyable, il n'aurait jamais cru ça possible !
— Marylin, je ne voulais pas te mettre mal à l'aise, j'ai été très surpris par ton petit copain. Mais je sens qu'il y a autre chose qui te gêne. Tu n'as certainement pas envie d'en parler maintenant mais faudra bien qu'on en reparle.
JAHO marqua une pause, contemplant son amie avec compassion, l'air un peu gêné à son tour.
— Mais peut-être pas ce soir ! Retournons avec les autres si c'est ce que tu préfères mais je veux que tu me promettes un repas tapas en tête à tête pour discuter de tout ça ! Je déteste voir ma meilleure amie aussi embarrassée.
Fidèle à ses amicales habitudes, James enlaça les épaules de Marylin comme les amis le font, un subtil mélange de respect, d'amour et de compassion, pour la raccompagner dans le salon.

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Le geste de James suscita chez Marilyn une violente réaction de rejet et de peur. Une toute petite fraction de seconde. Mais une fraction de seconde tout de même.
— … Une douleur, c'est rien, chercha-t-elle tout de suite à justifier. Je-je me suis cognée l'épaule en bougeant des meubles dans mon salon.
Son regard fuit. Pourtant, ses pieds ne semblèrent pas vouloir l'emmener se réfugier auprès des autres.
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Le sang de James ne fit qu'un tour, "James Orne" était de retour et son caractère franc et direct avec ! Il regarda sa chère amie. Une lueur sauvage, passagère, voila ses yeux à l'évocation de l'image de Cosgrave. Puis, la détermination fit place à la fureur. James entreprit de lui attraper la main avec toute la délicatesse dont il était capable. Il lui parla avec douceur mais son ton était ferme et décidé.
— Est-ce que cet enfoiré t'a battue ? C'est sur. Il sent le connard à plein nez. Il t'a battue ! Je ne peux pas balayer 9 ans passés à traquer et faire disparaître des détraqués sournois à la CIA, Marylin. Mes instincts sont toujours là !
Le jeune homme faisait effort sur lui pour ne pas s'énerver, Marylin n'y était pour rien, elle avait besoin d'aide. Des souvenirs pas si vieux lui revinrent en mémoire. Il en avait rencontré beaucoup des flics locaux pendant ses enquêtes. Le pire mais aussi le meilleur, Marylin n'avait pas eu de chance avec Cosgrave.
— Ecoute, tu n'as pas à avoir peur, je suis là auprès de toi et j'ai un peu de temps devant moi alors je vais faire le nécessaire pour toi. Je vais t'aider Marylin, tu es ma seule amie et tu comptes beaucoup pour moi. Mais ça, tu le sais déjà !
Il lui prit l'autre main.
— Alors ?

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Le regard de Marilyn continua de fuir. Elle n’avait pas peur mais elle savait pertinemment qu’elle ne pouvait rien lui cacher. James et elle, c’était une vie. Une vie de toujours, aussi lointaine fut-elle. Elle ne pouvait pas lui mentir. Mais elle essaya pourtant :
— Non… enfin James ce n’est pas de sa faute, commença-t-elle à argumenter. Pour lui c’est pas facile en ce moment. C’est arrivé une fois seulement. Au début en tout cas. Une sale journée. Tu sais ce n’est pas qu’un connard. Il a voulu me quitter immédiatement ; j’ai pas voulu. Puis, avec son travail, son ex-femme qui le harcèle, la banque… il a eu d’autres mauvaises journées.
James Cosgrave n'était pas le gentil flic. Tout au plus il jouait au gentil flic.
Il n'était pas le gentil petit ami. Tout au plus il jouait au gentil petit ami.
— Il a besoin que je l’aide. Il a besoin de prendre un peu de repos. Là, ça sera plus simple. On pourra se séparer sans qu’il risque de sombrer. Il veut me quitter. Je sais que je dois l’accepter et moi aussi le quitter. Mais pas maintenant James…
Ce prénom. Son prénom. Leur prénom. Chaque énumération sonnait mal. Ses phrases se déformèrent et se heurtèrent au fil des interlocuteurs de ses pensées, de ses envies.
— Écoute, James. Je sais que tu tiens à moi. Moi aussi je tiens à toi. Et sûrement, si tu étais dans ma situation, moi aussi je voudrais faire ce que tu as en tête. Après tout on se rappelle tous de Latischa Worth n’est-ce pas ? osa-t-elle plaisanter.
Letty, l’hystérique suicidaire mythomane. Les souvenirs de cette relation collèrent à James un uppercut en pleine face. Marilyn, voilà qui était un sale coup.
— Mais je te l’ai dit : ça sera bientôt fini…
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Les sentiments se bousculèrent en James, des vagues d'émotions et de souvenirs lui vinrent en tête : d'horribles images de femmes torturées, battues à mort puis livrées en pâture à de sombres exécuteurs des basses œuvres. Le réseau de snuff movies lui revint en tête, un sentiment angoissant s'empara de lui une seconde. Il tint le coup, il avait tenu le coup 9 ans... la peur, la haine, l'amour, la fureur se mêlaient dans sa tête dans une sarabande infernale. Il reprit le contrôle. Une petite voix lui dicta de ne pas montrer ses émotions, il espéra que Marylin n'avait rien vu.
— Tu te trompes Marylin. J'en ai croisé des gars comme lui en 9 ans... et leurs copines, amies ou femmes aussi. Ça ne finit jamais... sauf par la mort de l'un des deux. Dans le meilleur des cas ces mecs finissent en taule.
James marqua une pause. Peut-être trop longue. La compassion se lut sur son visage mais les tressaillements de ses muscles maxillaires associés à la blancheur des jointures de ses mains, qui étreignaient le plan de travail dans une tentative désespérée de le briser, dénotèrent une certaine tension.
— Letty... je me suis arrêté avec elle avant qu'il n'arrive des conneries. Et je voudrais que tu fasses pareil.
James se rapprocha, plus détendu en apparence, il bougeait avec des gestes lents et rassurants.
— Viens là mon amie, et montre moi cette épaule que je te dise si ça nécessite des soins particuliers.

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— Une amie s’en est déjà occupée, dit-elle en se dérobant dans un demi-mensonge de plus.
Marilyn lui déposa un baiser sur le front, comme une grande soeur le ferait. Appuyé quelques courtes secondes de plus qu’une soeur ne l’aurait fait.
— Viens, dit-elle en retrouvant son sourire de toujours. Ne le laissons pas gâcher plus que ça notre soirée.
Et elle repartit dans le salon laissant James digérer cet échange, ses conséquences, à jeun, alors que sa tension battait encore le rythme à ses tempes.
Une rupture d’anévrisme serait tout de même malvenue, d’autant plus avec de prime abord un si bon programme…
— Restaurant ? lança-t-elle d'une voix enjouée, comme si de rien n'était.
— Restaurant ! répondit Nigel dans un bond qui le propulsa hors du fauteuil dans lequel il s’était laissé avaler.
La liqueur de prune était vide.
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Encore remué par la discussion avec Marylin, James retourna dans le salon à sa suite, le front encore humide du baiser déposé. Le cerveau encore embrumé des conséquences de ce qu'il venait d'apprendre.
— Va pour le restaurant mais choisissons un quartier éloigné de celui ou officie l'autre primate. Si je le croise, flic ou pas, je ne réponds pas de mes actes. Au fait Marylin, tu as une clé de chez lui avec toi ?
James regarda Marylin avec un air malicieux, à la limite du défi.

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Marilyn choisit de ne pas répondre à la remarque de James. De bonne guerre !
— Japonais ? Chinois ? Thaï ? Coréen ?
Nigel avait potentiellement une idée bien arrêtée sur le type de cuisine pour leur dîner.
— On se décidera en ville, répondit Marilyn. Par contre, Nigel tu as pris ta voiture ou …
— Seuls mes pieds conduisent. Ma voiture est toujours chez le garagiste.
— Bon, le bus alors.
Les anciens les raccompagnèrent et leur souhaitèrent une bonne soirée. Oncle Bob eut cette vieille habitude de glisser, discrètement, deux trois billets dans la main de son fils adoptif, comme si James était encore cet adolescent d’antan. Ils en sourirent. Tante Felicity ne put, quant à elle, s’empêcher de glisser un de ses précieux conseils :
— James, ne sois pas trop brusque mon fils. Mais ne la laisse pas faire l’autruche !

❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍

Les minutes qui les séparaient de leur bus, de son attente, se déroulèrent dans un faux silence d’obligeance. Tout le monde était au téléphone, ce convive qui s’invitait et excusait de toutes les situations. Marilyn avait dû rappeler un client qui avait besoin d’aménager ses horaires ; pour Nigel il s’agissait sûrement du Grand Manitou, son grand-père.
— Alors, où dîne-t-on ? revint à la charge Nigel dans le bus qui les conduisait dans le centre-ville de Providence.
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21 mars 2015, 02:14

James accueillit les paroles de sa tante avec un sourire légèrement forcé. Pourtant, il avait la certitude qu'elle avait raison. A cet instant, James se confia à lui-même que que la diplomatie n'était pas toujours son point fort et que c'était un problème dans le cas présent.

Il se dirigea vers l'arrêt de bus dans un assourdissant silence cotonneux. Chemin faisant, son regard passa de Marylin à Nigel, de Nigel à Marylin, ils avaient partagé tant de choses tous les trois... ça ne devait pas s'arrêter par la faute d'un abruti. James monta avec eux vers la chaleur humide du transport en commun et s'assit à côté de Marylin en écoutant ses amis deviser comme si de rien n'était.
— Moi je préfèrerais chinois mais surtout, loin de chez James...
JAHO fit un clin d’œil à Marylin.

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— James merde ! Tu es lourd, coupa court Marilyn.
Cette fois-ci pas d’erreur possible dans la cible du nominatif.
— Chinois ça me convient parfaitement, continua-t-elle. Nigel tu en connais un nouveau ? À la vitesse où s’ouvrent et se ferment les restaurants en ville.
— Oui, juste à côté du Capitole. Pour le moment il n’est pas encore devenu trop sélect, mais ça ne saurait tarder. Une véritable petite cantine tenue par un cuisinier missionnaire au Congo. Je ne plaisante pas.
Et Nigel ne semblait pas plaisanter.
— Tout un programme, sourit Marilyn.
— Celui d’une soirée parfaite, accompagna Nigel d’un clin d’oeil à l’intention de James. Avec le seul James qui a de l’importance.
Marilyn marmonna un truc, inaudible et sans grande importance. Son sourire était bien revenu.
— On descendra dans 7 stations.
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21 mars 2015, 02:14

James sourit à la remarque de Marylin, sans grande conviction. Il regarda le bus, les sièges semblaient neufs, le maire avait du s'en occuper pendant sa campagne électorale. Il observa les personnes présentes dans le bus... déformation professionnelle. Jauger, évaluer, savoir d’où pourrait venir la menace... les bases du métier !
— OK pour ce chinois là. Il regardait Marylin avec compassion.
— Non mademoiselle ! Je ne suis pas lourd, c'est une telle joie de sortir avec vous que je ne peux pas être considéré comme lourd. En plus pour être lourd, faudrait que j'ai... James laissa mourir les mots dans sa gorge avant même de finir sa phrase et d'aller trop loin. Il risquait de gâcher la future soirée qui semblait plutôt placée sous de bons auspices, hormis cet énorme problème de confiance – et d'égo – du copain de Marylin, qu'il avait découvert avec horreur plus tôt dans la journée. Il décida de finir sur une note humoristique.
— Disons que oui, je suis lourd, j'ai pris du poids ces derniers temps ! Conclua James en tapotant sur son ventre.
Pendant le reste du trajet, James laissa Marylin tranquille au sujet de Cosgrave mais il guettait dans l'ombre un mouvement de tissu qui dévoilerait à ses yeux la moindre tumescence colorée caractéristique d'une maltraitance.

Arrivés à la station ou ils devaient s'arrêter, l'ex G-men jeta un oeil à l'extérieur. Une petite voix intèrieure lui soufflait pourtant de s'arrêter, ça suffisait maintenant. Il n'était plus un homme de la CIA, il était à Providence et la ville n'était pas son ennemie ! James se mordilla légèrement la lèvre et descendit à la suite de ses deux amis, serrant Marylin de près, une de ses mains délicatement posée sur son épaule – celle qui n'était pas blessée – un fugace instant.
— Alors Nigel ?! C'est par ou ton restau ?

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— C’est juste là ! indiqua Nigel dès la sortie de l’arrêt de bus.
La réponse qu’avait crainte Marilyn :
— Tu es bien sûr que c'est ici, je veux dire je ne suis pas habillée, et puis aucun de nous d'ailleurs, et, tu sais…
— Oui oui c'est ici. Ça a l'air beaucoup plus guindé que ça ne l'est, ne t'inquiète pas. De toute façon, c'est James qui paye, ajouta-t-il, comprenant le sous-titre de Marilyn.
— Ah, dans ce cas, renchérit-elle d’un grand sourire à son intention. Merci James, tu es toujours un amour !
Voilà ce que l'on récoltait à être parfois un peu trop lourd.
Les amis…
Difficile de savoir si l'histoire concoctée par Nigel quant au chef de ce restaurant était exacte ou si tout n'était qu'une fable. Mais selon lui l'homme, anciennement missionnaire au Congo, et venant tout droit du Texas, serait tombé éperdument amoureux d'une belle Chinoise et aurait décidé, en vue de la demander en mariage auprès de son père (un traditionaliste haut gradé de l'armée de son pays refusant le moindre étranger dans sa famille) de faire de la cuisine son métier et son bushido. Chacun de ses restaurants ne serait qu'un hommage et une déclaration d'amour pour sa belle. Après quelques voyages, deux restaurants éphémères à New York et Paris, l'homme – la légende – aurait fini par atterrir sur Providence, là, où vivrait désormais sa promise dans une demeure des hautes collines, avec vue sur Greene Island.
Une histoire d'un grand romantisme culinaire… selon Nigel. Marilyn, elle, assura qu'elle avait relevé pas moins de 10 incohérences dans son récit, tout en lui signalant que la carte proposait majoritairement des plats traditionnels japonais, pas chinois !
La véracité n’eut finalement aucune importance. Car il fallait reconnaître que cet endroit était certainement le meilleur choix pour passer une soirée entre amis ; se couper du monde, des anciennes vies, des problèmes actuels, et célébrer un moment de retrouvailles aux cinq parfums et avec une okonomiyaki.
Marilyn riait. Nigel théâtralisait. La recette du bonheur ?
Depuis quand déjà James n’avait-il pas eu l’occasion de profiter d’un tel moment ? Partagé entre les rires et les histoires improbables mais si reposantes – et, accessoirement, sans cadavres ou atrocités génétiques de ses congénères ?

Histoire_Les Chroniques de Providence – Tales of The Divine City-Je suis Providence_Chap.17_002.jpg
(Un dîner presque parfait)
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A son tour, James marqua un léger temps d'arrêt lorsqu'il arriva devant la façade du restaurant. Le lieu ne serait-il pas en décalage avec un repas entre amis, simple et peut-être légèrement bruyant ? Pourtant, le subtil mélange d'éléments picturaux japonisant et de sobriété toute nippone, associé au modernisme résolu de la mise en place et des éclairages, le séduit immédiatement. La joie et la conviction de Nigel finirent de dissiper les derniers doutes de James. Il accompagna Marylin d'un sourire et d'un geste tendre entre les omoplates pour qu'elle le précède.
— Suivons Nigel, il a certainement bien choisi. Et puis, au pire, on lui fera manger les restes du Fugu. Ils doivent en avoir ici, non ?

La soirée débuta dans l'intimité et la joie des retrouvailles partagées. Pourtant James ne pût s'empêcher épisodiquement de poser à la dérobée des regards moins joyeux sur Marylin. Des images de violence lui traversaient alors l'esprit. Mais la joie et la gaieté le regagnaient bien vite, entre une Marylin joyeuse et rieuse et un Nigel au meilleur de sa forme théâtrale, il ne pouvait que se laisser emporter par ce moment si rare et si délicieux. Sans compter que la kabocha confite fût vraiment parfaite et qu'elle succéda particulièrement bien à la délicieuse soupe miso au tofu et wakame que James prit pour commencer. Comme plat principal, il avait opté pour son pêché mignon : un katsudon ou le croustillant du tonkatsu associé à un fabuleux bouillon parfumé lui arracha un soupir de satisfaction. Et pour finir, il dégusta un Daigaku Imo : James craquait toujours sur le sucré-salé. Il se dit qu'un jour il faudrait qu'il aille au Japon, voir la cuisine sur place et essayer les restaurants de Ramen. Le rire affirmé de Marylin le tira de sa rêverie nippone. Elle avait toujours eu un joli sourire et un rire charmant... Marylin.

Une soirée parfaite. Après de multiples "Alligato Gozaimasu" – cela se prononce Alrigato Gozaimas – aux serveurs pour le cuisinier, l'ex GMan se tourna vers ses amis de toujours.
— Alors on fait quoi maintenant ? Il faudrait bouger un peu pour éliminer tout ça, non ?!

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Les amis firent quelques pas pour digérer et échanger leurs réflexions sur ce dîner sans bavures. Le temps de traverser la rue et de s’éloigner du restaurant.
— Une excellente idée, accueillit Nigel. Que la nuit soit printanière, un interlude où tout est permis.
Mais les interludes de par définition se voulaient toujours trop courts, de simples pauses.
Marilyn était ivre de bonheur, ses yeux pétillaient de joie au contraire de Nigel qui, lui, pétillait d’une ivresse joyeuse. Celle d’avoir peut-être un peu trop abusé des liqueurs de l’amitié – ou de prune.
— Nuits d’ivresse printanière, je lis en vos coeurs l’envie d’une nuit sans temps, par une étendue distanciée à en contempler du ciel, poétisa juché sur un banc l’oiseau poète.
— Nous devrions ramener l’enfant à l’imagination débordante dans son lit, avant de poursuivre la soirée, osa Marilyn avec une complicité nouvelle dans sa voix.
Simple question d’interprétation.
— Du moins j-je veux dire, se reprit-elle non sans un léger écart de regard qui en disait si long. Avant qu’il ne vienne à faire une bêtise, elles sont pour les adultes …
Trop tard.
Si James n’avait pas remarqué l’homme en noir au bout de la rue à cette seconde précise, il aurait pu éviter à Nigel une chute des plus idiotes et si prévisible de son banc.
Mais il l’avait remarqué. Un parfait stéréotype de Men in Black, lunettes de soleil, oreillette et visage impassible.
Et un autre, de l’autre côté de la rue.
Volte-face, un troisième attendait cette fois devant la porte du restaurant.
Et ils regardaient tous vers eux. Nigel se releva doucement en claudiquant. Leurs fronts se détendirent.
Une voiture noire se rangea devant le restaurant.
La conscience de James et ses vieilles habitudes conditionnées se voulurent entièrement pour Marilyn et il perdit trente secondes en observant la voiture vomir trois autres clones qui se chargèrent de renforcer le nouveau service de voiturier.
Les yeux balayant les quatre points cardinaux, une main tendue à la ceinture serrant un énorme pistolet, ils sautillèrent et tournèrent dans la rue comme des marionnettes de gangsters. L’un d’eux interrompit le spectacle pour prouver qu’il savait aussi parler, à défaut de chanter, en levant la main droite à sa bouche pour s’adresser à sa manche.
— La voie est libre. Le bacille peut pénétrer.
Un homme osseux à la peau comme du cuir sortit de la voiture et entra d’un pas rapide dans le restaurant, vêtu d’un costume qui ne semblait pas lui aller vraiment. Les Men in Black le laissèrent passer avec déférence, et à la faveur d'un battement de porte vitrée, James se retrouva soudain seul plongé dans son souvenir : Shusane Minamoto-sensei !
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James A. H. Orne
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Des années de pratiques de travail sous couverture firent que James ne se décontenança pas. Entre le regard de Marylin, la chute de Nigel en état d'ébriété avancée, et les hommes en noir qui encadraient Minamoto, il tenta de réfléchir au plus vite pour gérer la situation au mieux. Sa petite voix intérieure lui dicta : « Commence par Nigel ». Il s'approcha de leur poète invétéré qui se massait les tibias et se tenait la hanche. Il n'avait pas l'air blessé.
— Nigel, ça va ? Tu es cramé mon ami ! On peut dire que tu as encore une fois dignement fêté mon retour ! Je vais t'appeler un taxi pour te reconduire chez toi, c'est plus prudent je pense. J'ai pas envie de transformer cette sortie de retrouvailles en une sordide attente dans les couloirs puants d'un hôpital.
En même temps, ses souvenirs défilaient et il se questionnait à propos de Minamoto : mais qu'est-ce que ce savant fou faisait ici ?

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— J-jai effectivement un peu trop abusé, répondit Nigel en se massant le genou, ce qui lui arracha une petite grimace. Aïe et re-Aïe !
Marilyn rit. James réussit à ne rien laisser paraître de ce que lui faisait remonter en bille et cauchemar la vue de son passé, une fois de plus.
— Idiot. Tu es bon pour 3 nouvelles semaines de plâtre à tous les coups, se moqua-t-elle.
Nigel se laissa déposer sur le banc.
— Non, mais non, ça ira, essaya-t-il de rassurer tout le monde, surtout lui-même. Par contre pour la seconde partie de soirée je pense que suis effectivement cramé.
Ce mot dans sa bouche ne lui allait absolument pas. Marilyn en sourit.
— Je devrais peut-être demander aux gorilles du « phasme » de jouer les taxis, plaisanta-t-il.
James malgré une décontraction somme toute apparente, veillait à ne pas rater le moindre détail ou acte de la scène du théâtre d’en face : les gorilles leur prêtaient autant d'attention qu'au reste des spectateurs de la rue, comme les mouettes rieuses qui remontaient de la marina. Ils s'adressèrent finalement des hochements de tête rapides, puis firent une fois encore volte-face avant de rentrer dans le restaurant et ses coulisses.
Peu de chance que ce soit pour y commander à emporter.
La voiture noire démarra et disparut au coin de la rue.
— … Bon, ben ça sera un taxi en fait, dit Nigel en grimaçant une fois de plus.
Ce qui eut pour réaction un nouveau petit sourire de Marilyn, cette fois-ci de compassion.
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James regarda Nigel avec un air compatissant et un soupçon d'amusement, puis il jeta un œil à son genou pour se faire une idée de son état. En même temps il observa le manège des gorilles du coin de l’œil. Il se dit à lui-même : « OK. Il mange là, la voiture est allée se garer plus loin, le service de protection fait son travail à l'intérieur. Rien n'est perdu. »
— Nigel, je vais remonter ton pantalon pour jeter un œil à ton genou, je pense effectivement que c'est cramé pour la deuxième partie de soirée !
Il commence à examiner le genou de Nigel pour vérifier dans quel état il était. Il fit un clin d’œil à Marylin en arborant un air rassurant.

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— Hey mais Aïe ! grimaça Nigel durant l'examen. Je suis sûr que tu prends un malin plaisir à le voir me faire souffrir Marilyn. Et Aïe !
Elle lui répondit par un grand sourire, et en profita pour s'écarter un peu pour lui commander une voiture autonome Uber.
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James hocha la tête avec un air navré et une inquiétude extrême créa des rides sur son front alors qu'il terminait l'examen de la cuisse, du genou et de la jambe de Nigel. Il redescendit le pantalon de Nigel sur son membre inférieur puis s'assit à côté de lui avec un air désolé et une attitude de profonde lassitude, teintée de compassion. James s'adressa à Nigel d'un ton grave :
— Nigel... cette fois-ci. Eh bien, cette fois-ci c'était la fois de trop. J'ai bien peur... James marqua une pause. J'ai bien peur que nous ne soyons obligé de t'amputer, sur place, ici et maintenant !
Il se tourna alors vers Nigel avec son air le plus parfaitement satisfait et moqueur qu'il puisse faire, tout en se retenant à grand peine d'éclater d'un rire franc et sonore.

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Nigel mit 10 secondes. James les avait comptées – comme il comptait tout depuis 7 minutes 36 secondes, l’arrivée de Minamoto-sensei. 10 secondes, c’était le temps qu’il avait fallu à Nigel pour comprendre que l’on se moquait de lui.
Et encore il avait fallu que Marilyn vende la mèche, incapable de contenir son rire plus longtemps.
— Buse ! voilà un mot qui sonna bien mieux dans sa bouche. James Joséphine Mariette Orne tu es une triple buse et un bien mauvais auguste !
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James rit de bon cœur aux mots de Nigel.
— Tu sais que la buse est un rapace ? Il vit en France notamment, c'est plutôt flatteur de me comparer à un oiseau de proie ! En plus c'est un bel animal.
Il tapota doucement le genou de son ami.
— Rassure-toi pour ton genou Nigel, je suis un bien mauvais auguste, mais pas un oiseau de mauvaise augure ! Après quelques jours de repos, ou encore mieux, une petite immobilisation, il n'y paraîtra rien.
Après avoir fini sa phrase, il ne put s'empêcher de tourner son regard vers le restaurant pour tenter de distinguer du mouvement à l'intérieur.

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20 juin 2015, 18:25

Les 10 minutes qui précédèrent l’arrivée du chauffeur privé, sans chauffeur, furent à l’image de la soirée, de joviaux compagnons dont rien ne pouvait entacher le bonheur et la gaieté de s’être retrouvés, pas même une chute et sa légère foulure.
Sauf pour James ; la soirée était gâchée, comme son humeur. Il savait paraître pour ne pas inquiéter inutilement ses amis, mais le visage de ce Dr Moreau japonais, le savoir à seulement quelques pas de lui, dans ce restaurant, dans la même ville… Cela ne pouvait pas être une coïncidence. Il n’existait jamais aucun hasard avec Minamoto-sensei.
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10 juil. 2015, 20:49

James regrettait déjà ce qu'il allait faire mais certains engagements se prolongent au-delà d'un simple travail, en tout cas c'est ce qu'il avait toujours pensé. Et cette soirée si particulière, qui devait être tout autre chose, se transformait petit à petit en un simulacre de retrouvailles joyeuses et chaleureuses teintées d'un voile sordide et triste... si triste. La gaité des instants précédents et la douceur de la présence de Marylin l'abandonnaient peu à peu pour faire place à la résolution et à la fermeté nécessaires à l'action qu'il souhaitait mener. Il devait lui expliquer.
James se tourna vers Marylin et la saisit doucement par la main pour qu'elle l'accompagne vers le banc, juste à côté, sans dire un mot. Il s'assit et invita Marylin à faire de même d'un geste. Il ne quittait pas le restaurant japonais du regard.
— Marylin, j'ai l'impression d'être le mauvais bougre qui gâche tout mais je m'apprête à faire quelque chose qui est certainement risqué. Je viens d'être rattrapé par mon passé. Une des personnes les plus abjectes que j'ai rencontré en ce bas monde viens de pénétrer dans notre restaurant japonais il y a quelques minutes. Sa présence en ces lieux est surprenante, non, elle est incroyable ! Je dois savoir ce que cette personne fait là, ce qu'elle mijote. Et... je préfèrerais que tu rentres.
James tourna ses yeux vers ceux de Marylin, arborant un air interrogateur et soucieux.

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23 juil. 2015, 16:28

— Je vais raccompagner Nigel, m’assurer qu’il ne ressorte pas faire la bringue avec ses jeunes étudiantes de Brown, le surprit-elle à répondre. Ne sois pas désolé, tu ne gâches rien, James. Fais ce que tu crois être juste, comme tu l’as toujours fait. C’est comme cela que nous t’aimons.
Et elle lui déposa un baiser sur la joue.
Nigel partageait son allégresse avec l’ordinateur de bord du taxi autonome. Le compteur tournait.
— Appelle-moi demain matin, je n’ai aucun rendez-vous avant midi, lui glissa Marilyn avant de fermer la portière.
James troqua leur départ pour un pincement au coeur.
Son regard se dirigea vers les reflets animés de l'autre côté de la rue, à travers les vitres du restaurant, maudissant en silence le souvenir putride qui s'était insinué entre eux.
Son visage s'assombrit, maintenant il lui faudrait des réponses.
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